Soleil Launière envoûte le Club Soda et remporte les Francouvertes

L’artiste multidisciplinaire innue Soleil Launière a remporté lundi la finale des 28es Francouvertes, qui se tenait au Club Soda à Montréal. Les deux autres finalistes, Sensei H et Loïc Lafrance, ont eux aussi brillé lors d’une soirée qui a donné tout son sens à l’étiquette de diversité musicale du concours, entre rap, rock et soul roots.

Soleil Launière, 38 ans, est la première artiste autochtone à se rendre en finale des Francouvertes. Si elle a une longue feuille de route en tant que danseuse contemporaine, comédienne et metteuse en scène, ce n’est que récemment qu’elle s’est mise officiellement à la musique, un rêve enfoui depuis plusieurs années.

Je fais de la musique depuis longtemps, mais c’était moins présent dans mon quotidien. J’ai étudié en musique en 2005, mais je n’avais pas la confiance nécessaire, a-t-elle expliqué sur le parterre du Club Soda, à quelques heures de sa prestation. [Finalement], c’est le projet qui me fait le plus de bien.

La chanteuse est née à Mashteuiatsh, dans la communauté des Pekuakamiulnuatsh, sur les rives du lac Pekuakami, ou lac Saint-Jean. Sur son premier album Taueu, elle chante en français, en anglais et en innu-aimun, langue de ses ancêtres qu’elle ne maîtrise pas encore tout à fait. Sur quelques chansons, elle s’exprime aussi dans une langue qu’elle a elle-même inventée en mélangeant les trois premières.

Une prestation envoûtante

Après une prestation des co-porte-paroles des 28es Francouvertes Lou-Adriane Cassidy et Thierry Larose, respectivement finaliste et demi-finaliste du concours en 2018 et 2019, Soleil Launière était la première à présenter ses chansons. Après l’arrivée de ses musiciens et musiciennes dans un chaos de distorsion et de réverbération, la principale intéressée tardait à prendre sa place sur scène.

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C’est alors que les têtes dans la foule se sont mises à se tourner vers l’entrée du Club Soda, leurs yeux fixés sur une Soleil Launière en longue robe à capuche noire, affublée d’une sorte de panache en bois. Elle s’est ensuite avancée doucement sur scène, avec une lenteur et une élégance tenant presque du rituel.

Le riche bagage de la chanteuse en art corporel s’est d’ailleurs fait sentir tout au long de sa performance, son être tout entier bougeant en symbiose avec sa musique. À un moment donné, elle semblait même être en transe, poussant des cris d’oiseaux devant un public estomaqué.

Je viens vous parler dans mon innu crochi, un croche assumé qui veut porter la passation de la langue, a-t-elle lancé après un extrait audio mettant en vedette la voix de Joséphine Bacon. Le message féministe de l’artiste a été amplifié par la présence de Marie-Neige Harvey et Lisa Iwanycki qui, en plus de jouer aux claviers, ont magnifiquement emballé ses chansons de leurs harmonies vocales.

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La candeur désarmante de Sensei H

Changement de ton radical en deuxième partie avec la prestation de Sirine Hassani, alias Sensei H, une rappeuse originaire du sud de la France installée depuis quelque temps au Québec. En entrevue avant le début du concert, l’artiste de 26 ans, qui a remporté la deuxième place du concours, y allait déjà de confidences désarmantes.

J’ai des problèmes dépressifs et des idées suicidaires depuis que je suis toute petite, donc la quête de sens est la ligne directrice de ma vie, a-t-elle expliqué.

Je me demande pourquoi on est là, c’est quoi le sens de l’existence, de l’âme.

Entourée de son guitariste, de son batteur et d’une musicienne qui alternait entre la contrebasse, le MPC (une machine à rythmes) et les voix d’accompagnement, la jeune rappeuse a mitraillé le public de ses textes profonds, avec une confiance à tout casser et plusieurs pointes d’humour.

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À quelques pas de la scène, c’était beau de voir la rappeuse montréalaise Calamine, deuxième place aux Francouvertes en 2021, chanter les paroles de Sensei H qu'elle connaissait par cœur, avec un sourire étampé dans le visage.

Loïc Lafrance arrache tout en fin de soirée

Dernier artiste de la soirée mais non le moindre, Loïc Lafrance s'est présenté sur scène avec ses quatre musiciens comme une tonne de briques. Avec ses cheveux verts, ses lunettes de soleil et son chapeau de cowboy, le jeune rockeur de 22 ans était survolté, courant d’un bout à l’autre de la scène comme un pantin désarticulé, évitant de peu de foncer dans ses camarades.

En amont de sa prestation, le jeune homme né à Rivière-du-Loup et installé à Québec affirmait déjà que sa présence en finale était une victoire en soi. Il n’a donc pas semblé trop déçu de terminer en troisième position. Peu importe le résultat, on joue au Club Soda, pis c’est sick. C’est déjà une victoire en soi de se rendre en finale des Francouvertes, a-t-il philosophé.

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Effectivement, Loïc Lafrance n’a pas à se faire de mauvais sang, puisqu’il semble déjà destiné à un brillant avenir. Après avoir lancé un premier album en 2021, Le monde des adultes, et un microalbum l’an dernier, Théâtre/Violence, le musicien et chanteur entrera en studio mercredi pour enregistrer son prochain opus, avec nul autre que Julien Mineau de Malajube à la réalisation.

D'une pop naïve d’inspiration seventies, il compte passer à un son grunge plus proche du ressenti que de l’intellectualisation du monde qui l’entoure. Peu importe le résultat, la bête de scène saura certainement conquérir son public.