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AnalyseMobilité Infra Québec : vraiment efficace?

Les ministres Geneviève Guilbault et Jonatan Julien assis à la table d'une conférence de presse, à côté d'un écran où on peut lire : «Pour des projets de qualité, plus rapidement et à meilleur coût».

La ministre Geneviève Guilbault se dit convaincue que Mobilité Infra Québec pourra rendre plus efficaces la planification et la réalisation des projets de transport collectif.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Depuis plusieurs années au Québec, les projets en matière de transport collectif font du surplace. Ils sont annulés, reportés, ils coûtent trop cher au goût du premier ministre ou ils n’obtiennent pas l’acceptabilité sociale requise. Bref, les résultats sont décevants, malgré l’urgence d’agir. Est-ce que la nouvelle structure Mobilité Infra Québec va changer les choses?

Espérons-le. La nouvelle entité a l’avantage de concentrer en un même lieu une expertise de haut niveau, essentielle pour analyser, planifier et réaliser des projets en matière d’infrastructures de transport, pour lesquelles les besoins sont criants. Et Mobilité Infra Québec pourrait s’avérer plus efficace que des bureaux de projet éparpillés un peu partout, qui sont mis sur pied chaque fois qu’une idée fait son apparition.

Cela dit, le projet de loi confirme, une fois de plus, une tendance propre à ce gouvernement qui est celle de concentrer les pouvoirs entre ses mains. Dès les notes explicatives du projet, il est précisé que le nouvel organisme aura pour mission d’effectuer, lorsque le gouvernement lui en confie la responsabilité, l’analyse d’opportunité, la planification et la réalisation de projets complexes de transport.

Et c’est ici que le bât blesse. Pourquoi est-ce le gouvernement qui vient décider, orienter et confier des mandats à cette nouvelle entité pour analyser, planifier et réaliser des projets? Ne devrait-on pas procéder autrement et demander plutôt à Mobilité Infra Québec d’analyser les besoins, d’utiliser son expertise en matière d’urbanisme, d’occupation du territoire et de mobilité durable, d’en informer le gouvernement et d'ensuite mettre en œuvre les projets retenus?

Comprenons-nous bien. Le gouvernement doit conserver la responsabilité d'établir des priorités et une vision d'ensemble, notamment sur les choix à faire pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et il est clair que la réalisation d’un projet doit obtenir l’approbation finale de celui qui le finance, soit le gouvernement.

S’éloigner des choix politiques

Mais depuis plusieurs années, c'est au gré des sondages que le gouvernement Legault gère les projets de transport collectif. Ce sont des décisions politiques qui voient aux destinées du transport public. En confiant des mandats à CDPQ Infra, on a également fait des choix politiques, dont les résultats sont plus qu'inégaux.

Le REM de l'Est, confié à CDPQ Infra, a été mal ficelé. L'acceptabilité sociale n’a jamais été au rendez-vous avec cette idée de faire passer un pont aérien en pleine ville, une aberration qui a mené le gouvernement à retirer le projet des mains de la Caisse. Et le REM du boulevard Taschereau vers la Rive-Sud a été abandonné par la Caisse de dépôt en début d’année.

Ce choix politique, celui de confier des projets aussi importants à une entité – CDPQ Infra – qui recherche le maximum de rendement, n’est pas optimal, loin de là. D’ailleurs, la ministre Guilbault a dit, en point de presse, qu’elle souhaitait voir le gouvernement réduire sa dépendance à CDPQ Infra, qui est tout de même en train d’analyser le projet de transport structurant à Québec. Nous n’en sommes pas à un revirement près!

Nous avons été témoins depuis six ans des tergiversations du gouvernement Legault sur le troisième lien et sur le tramway à Québec. Rappelons-nous aussi que la proposition de Valérie Plante de réaliser une nouvelle ligne de métro – la ligne rose – s'est frottée, elle aussi, au choix politique du gouvernement Legault de ne pas vouloir réaliser ce projet.

Si le Québec s’était doté, déjà, d’une entité indépendante, experte et compétente en matière de transport collectif, peut-être serions-nous en train d’inaugurer le REM de l’Est, en train d’imaginer le REM de la Rive-Sud et de mettre en œuvre la stratégie de transport structurant dans la région de Québec.

Revenir vers les experts

Nous avons plutôt perdu beaucoup de temps. On a fait fi de l'expertise de gens compétents, qualifiés pour penser et planifier les besoins d’une ville, le transport et la mobilité durable. Aujourd’hui, avec son projet de loi, la ministre cherche à corriger le tir. C’est très bien. Mais les analyses d’opportunité et la planification des projets ne devraient-elles pas appartenir à des gens qui sont capables de cerner les vrais besoins en matière de transport, pour ensuite proposer les projets nécessaires au gouvernement?

S’il y a un ordre de gouvernement qui doit être entendu plus fort que les autres sur ces projets, ce sont certainement les municipalités, qui connaissent leur territoire et leurs citoyens. Il est écrit dans le projet de loi qu’à défaut d’entente avec le ministre, le montant de la contribution financière d’une municipalité ou d’un autre organisme à un projet complexe de transport est fixé par le gouvernement.

Or, l’autonomie municipale est une valeur cardinale pour les mairesses et les maires des villes, comme le rappelait Bruno Marchand jeudi matin. Pour le maire de Québec, non seulement il faut s’appuyer sur des personnes compétentes pour établir les besoins, mais il faut aussi sortir de la gestion à la petite semaine et établir une vision sur 5, 10, 15, voire 20 ans. Allons-nous vers cette vision? La nouvelle entité vient-elle court-circuiter les municipalités et les sociétés de transport?

Plus rapides et moins chers?

Par ailleurs, le projet de loi sur l’agilité dans les projets d’infrastructures présenté par le ministre Jonatan Julien ouvre la porte à un développement plus efficace de tels projets. Le Québec a un plan d’infrastructures de 153 milliards de dollars sur 10 ans. Le ministre Julien veut voir les projets se réaliser 25 % plus rapidement, à un coût 15 % moins élevé.

En passant d’une approche rigide et d'affrontement à une approche où les entreprises seront impliquées dans la conception, le développement des projets et les matériaux à choisir, Québec est convaincu de pouvoir réaliser les projets d’écoles et de maisons des aînés et les projets routiers de façon plus efficace.

Là aussi, espérons-le! Il est étonnant, en même temps, qu’on n’y soit pas encore. Le ministre de l’Infrastructure affirme que la planification sera optimisée en évitant de multiplier des projets là où on manque de main-d’œuvre, en lançant des processus d’approbation pour plusieurs projets du même type (construction de 12 écoles, par exemple).

Les deux projets de loi présentés par Geneviève Guilbault et Jonatan Julien, avec leurs forces et leurs faiblesses, doivent mener à un processus plus efficace de planification et de réalisation des projets. Il faudra attendre un certain temps avant de mesurer les effets réels de cette nouvelle approche. Il faudra être patient. Mais il en va de la capacité du Québec à faire face au défi économique le plus important de notre époque, celui de la transition énergétique à l’ère du réchauffement planétaire. Faut que ça marche!

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