Les liens passés entre Yves Ducharme et Brigil s’invitent dans la course à la mairie
Un avis juridique recommande à Yves Ducharme de faire preuve d’extrême vigilance s'il est élu le 9 juin, en raison de sa proximité avec Brigil. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Simon Lasalle
Les liens passés entre le candidat indépendant Yves Ducharme et son ancien employeur, le promoteur Brigil, s'invitent dans les discussions de la course à la mairie de Gatineau. Un avis juridique commandé par l'ancien conseiller municipal Claude Bonhomme recommande à M. Ducharme, s'il est élu le 9 juin, de se retirer de certains dossiers et de faire preuve d’une extrême vigilance en raison de sa proximité avec Brigil. Les autres candidats n’ont pas tardé à réagir à cet avis juridique.
Le candidat Yves Ducharme, qui a été lobbyiste pour le promoteur Brigil, a promis de se conformer à un avis judiciaire seulement s'il est élu. Toutefois, Claude Bonhomme, un ex-conseiller municipal de l'ancienne ville de Hull, a décidé de prendre les devants en embauchant un avocat spécialisé en droit municipal du cabinet Bélanger-Sauvé.
Il a donc demandé l’opinion de l’avocat en droit municipal Marc-André LeChasseur pour étudier les problèmes d'ordre éthique et juridique que pourrait occasionner la candidature d'Yves Ducharme à la mairie de Gatineau.
Yves Ducharme (au micro) a reçu l’appui de six conseillers municipaux indépendants pour sa campagne, soit Denis Girouard (absent sur la photo), Mario Aubé, Jean Lessard, Mike Duggan, Jocelyn Blondin et Gilles Chagnon. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Foucault
Dans les conclusions de l'avis juridique préparé par Me Marc-André LeChasseur, les liens étroits
du candidat avec le promoteur depuis 2017 permettent de croire qu’une personne raisonnable et bien informée considérerait que M. Ducharme est proche de Brigil, même en supposant qu’il n’occupe plus de telles fonctions au moment de son élection
, peut-on y lire.
Chaque fois que son intérêt ou l'intérêt de Brigil va être remis en cause, il va être taxé vraisemblablement par ses adversaires de faire du favoritisme, ce qui mène évidemment à des dossiers possibles d'éthique devant la Commission municipale du Québec, qui peut le suspendre de ses fonctions
, a expliqué Me LeChasseur en entrevue à l'émission Les matins d’ici. Ça va demander à M. Ducharme d'être extrêmement vigilant, sinon d'avoir une chaise dans le corridor.
Ça va être très difficile, évidemment, de penser que le maire de la ville est capable de travailler à distance par rapport aux intérêts de Brigil.
L'avocat a aussi rappelé que des accusations potentielles de conflits d’intérêts à l'endroit d'Yves Ducharme pourraient coûter cher à la Municipalité, qui devrait payer des frais juridiques si certains dossiers étaient judiciarisés.
Des candidats demandent à Ducharme de se retirer de la course
Les candidats à la mairie de Gatineau n’ont pas tardé à réagir à cet avis juridique et ont demandé à Yves Ducharme de se retirer de la course.
En conférence de presse pour présenter ses propositions en matière de logement, Olive Kamanyana n’a pas hésité à réclamer le retrait d’Yves Ducharme de la course à la mairie.
Olive Kamanyana est candidate indépendante à la mairie de Gatineau et ancienne conseillère municipale du district Carrefour-de-l'Hôpital.
Photo : Radio-Canada / Maude Ouellet
C'est très important que la prochaine personne qui sera élue déclare en avance qu’il n'y aura pas de conflit d'intérêts
, a souligné Mme Kamanyana. Dans le cas de M. Ducharme, je pense qu'il a été lobbyiste et même employé de Brigil [...], donc il va devoir probablement ne pas se prononcer sur plusieurs dossiers.
Il faut qu'il retire sa candidature.
Le candidat et ancien président de la Chambre de commerce de Gatineau, Stéphane Bisson, lui a emboîté le pas. Je pense que je vais me rallier à Mme Kamanyana pour cette demande-là
, a-t-il indiqué jeudi en marge d'un point de presse lors duquel il a dévoilé sa vision du développement durable.
Ça veut dire que toutes les fois où il y aura un projet qui implique Brigil – et on sait que c'est un promoteur qui a des racines partout dans la ville –, ça veut dire qu'on va avoir un maire qui va devoir sortir des discussions
, a déclaré M. Bisson. On veut avoir un maire à temps plein, on ne veut pas avoir un maire à temps partiel.
Stéphane Bisson est candidat à la mairie de Gatineau.
Photo : Radio-Canada / Patrick Foucault
Questionné pour savoir s'il est lui aussi concerné par des questions d'apparence de conflit d'intérêts en raison de ses activités de courtier – qu’il a mis sur pause à l'heure actuelle –, Stéphane Bisson a promis qu'il cessera ses activités s’il est élu. Il a affirmé ne pas avoir l’intention de demander un avis juridique en cas de victoire, mais il a dit qu’il ferait une déclaration d’intérêt sur les nombreuses propriétés qu’il possède.
La candidate pour Action Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, pense pour sa part que cet avis juridique confirme des inquiétudes
qu’elle entend sur le terrain. De nombreux citoyens et citoyennes à Gatineau se disent : "Mais comment est-ce que cette personne va être capable de prendre des décisions éclairées en ce qui a trait aux dossiers d'urbanisme portés par le plus gros promoteur immobilier de la région?"
a-t-elle confié.
Maude Marquis-Bissonnette est candidate pour Action Gatineau à la mairie de Gatineau. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Foucault
À la question de savoir si le candidat Yves Ducharme devrait retirer sa candidature, Mme Marquis-Bissonnette a répondu qu'elle préfère se fier à l’intelligence collective
.
On est dans une démocratie, donc c'est aux citoyens de s'informer et de prendre les bonnes décisions.
Je pense que l'avis juridique vient nous éclairer sur un certain nombre de questions, mais il reste des inquiétudes quant à l'impartialité de M. Ducharme, puis la façon dont il serait capable d'être maire de Gatineau
, a-t-elle fait valoir.
Dans une déclaration écrite envoyée à Radio-Canada, le candidat indépendant à la mairie Daniel Feeny a remercié l'ancien conseiller municipal Claude Bonhomme d'avoir pris les devants et [d'avoir] commandé un avis juridique
.
M. Ducharme s'entête ou ne comprend pas ce qu'est la politique et les valeurs d'éthique et de déontologique modernes
, a-t-il lancé. Avec son entêtement sur l'avis juridique, on comprend mieux le personnage. Aussi, avec le maintien de sa candidature, combien de projets importants seront paralysés pour les 18 prochains mois? On doit avancer, pas reculer.
Contrairement à Mme Kamanyana et à M. Bisson, il n'exige pas que M. Ducharme retire sa candidature de l'élection partielle à la mairie. Ce que j’exige, c’est qu’il démontre aux électeurs de Gatineau toute sa légitimité dans cette campagne avant l’élection.
Notre dossier
Ducharme contre-attaque
Pour Yves Ducharme, les conclusions de l'avis juridique de Me LeChasseur sont sans fondement
. Il a rappelé qu’il entend respecter toutes les règles en matière de conflits d'intérêts.
Yves Ducharme est candidat à la mairie de Gatineau.
Photo : Radio-Canada / Patrick Foucault
On s'est déjà engagés à demander une opinion juridique auprès de la Commission municipale dès mon élection et je vais la rendre publique. Il n'y a rien de nouveau dans ce que j'ai dit
, a-t-il déclaré.
Vous savez, j'ai indiqué dès le départ que j'entendais respecter toutes les lois, toutes les règles en déontologie.
M. Ducharme a tenté de se défendre en rappelant que plusieurs candidats à la mairie font face à des soupçons de conflits d’intérêts en raison de leurs anciennes activités.
Lorsque la CCN va être partie prenante dans une résolution, est-ce que le candidat Feeny va pouvoir agir? Est-ce que la cheffe d'Action Gatineau va pouvoir statuer sur des dossiers qui touchent l’UQO ou l’ENAP?
s’est-il demandé. Pour l'instant, c'est un faux débat, et j'entends respecter les règles
.
Avec les informations de Patrick Foucault et de Maude Ouellet
